SHEDS : Jeux de constructions et de déconstructions
On longe un mur coloré par des dessins de street artistes et se retrouve face à une grille tapissée d’affiches bleues nuit : « SHEDS ». 45 rue Gabrielle Josserand, à Pantin : on est arrivés à destination. Julia nous accueille et explique d’emblée que « SHEDS » est un projet organisé par l’association PROCESS’ART dont elle fait partie. L’accès au projet est « gratuit et ouvert à tous au cœur de Pantin ». L’idée est de réaliser une résidence d’artistes durant deux semaines. Amélie Bouxin, Julia Raymond, Victoria Le Guern et Marine Lemoal les co-fondatrices de l’association PROCESS’ART pour la valorisation des jeunes artistes et pour la découverte de l’art dans les milieux où il est le moins présent.
Du 20 février au 19 mars, six artistes s’installent dans les vieilles usines Cartier Bresson de Pantin. Trois poètes-performeurs : Marin Fouqué, Léon Lenclos, Laura Gaulard Quérol et trois artistes plasticiens : Nicolas Ballériaud, Jessica Boubetra, Anne-Charlotte Yver. Tous ont été sélectionnés grâce à des articles lus dans des revues ou sur internet par l’association PROCESS’ART, qui avoue avoir préféré ce mode de sélection à l’appel à candidatures. Que ce soit les poètes ou les artistes, PROCESS’ART les a sélectionnés « en fonction de leur aptitude et de leur envie de faire des œuvres in situ en 15 jours ». L’association désirait aussi « des artistes qui prennent de la place au sol » : d’où le la préférence pour des sculptures à des peintures. Les œuvres permettent ainsi de valoriser l’espace tout en longueur dans l’exposition.
Ateliers et découverte de l’art
Au cours de la première semaine, les artistes s’installent et créent de 10H à 19H00. En parallèle, des ateliers artistiques prennent place pour les enfants de Pantin. Ces derniers pointent leurs petites frimousses timides à l’entrée. Ils font de la marbrure, l’air ébahit à la vue de ces couleurs qui prennent vie sur le papier. L’air décidé, ils jouent aussi avec les mots et les poètes. « Le but des ateliers est de proposer plusieurs activités auxquelles ils n’ont pas accès autrement » ; de les « mettre en contact avec des artistes avec qui ils peuvent dialoguer ». Ils peignent dans des grands bacs, observent et discutent avec les artistes. Ils semblent avoir trouvé un moyen d’expression, un endroit où ils peuvent créer librement. Du côté des poètes, Laura Gaulard Querol a été très inspirée par les discussions qu’elle a eu avec les enfants, par les dialogues qu’elle a entendus. Elle avoue souhaiter réaliser un recueil de poèmes autour de cette expérience avant la fin de la résidence. Durant « SHEDS » Les artistes échangent avec les spectateurs et les petits pantinois qui découvrent l’art.
Une expérience in situ
Les co-fondatrices de PROCESS’ART ont voulu laisser de la place au spectateur pour circuler, de l’espace aux trois poètes pour interagir avec les œuvres des artistes. D’où la décision de n’en choisir que trois pour le projet. Cela permettait également de leur offrir un plus grand apport financier : 150 euros pour les poètes et 400 euros pour les artistes. Ils étaient libres de réaliser ce qu’ils voulaient, du moment où la création se faisait in situ. Selon l’association, « tous ont pris cette résidence comme la possibilité de réaliser un projet qu’ils n’avaient pas encore fait ». Grâce à cela, ils ont expérimenté « de nouvelles façon de procéder ». Le vernissage qui aura lieu le 3 mars marquera le moment où artistes et poètes interagiront ensemble. Les œuvres plastiques resteront jusqu’au 19 mars. Les poètes, quant à eux, seront partis. Les membres de l’association justifient ce choix. Elles expliquent avoir voulu « créer pendant un temps donné une exposition complète, mais éphémère avec la présence des 6 artistes le soir du vernissage » afin de créer « un sens », « un espace » et « une scénographie modulable ». L’idée initiale était de créer un dispositif « qui par les rapports spatiaux qu’il constitue entre les objets et l’espace architectural, contraint le spectateur à faire partie de la situation créée ».
Rencontres des arts, redécouverte de la ville
Pour cette exposition, PROCESS’ART voulait « décloisonner les mediums et mettre en place une circulation entre différentes formes d’art afin de rendre le temps de l’exposition hybride et éphémère ». La rencontre des arts permettrait une anti-théâtralité, à comprendre un jeu entre les arts et le public grâce au mélange de la poésie-action et des arts plastiques. De cette manière, les sculptures deviendraient des œuvres « accompagnatrices des textes et inversement ». Les artistes plasticiens Nicolas Ballériaud, Jessica Boubetra, Anne-Charlotte Yver et les trois poètes Marin Fouqué, Léon Lenclos, Laura Gaulard Quérol se sont associés dans ce lieu pour créer ensemble une exposition. Marin Fouqué associe sa poésie-action, qu’il appelle aussi « poésie urbaine », aux sculptures scénographiées de Nicolas Ballériaud. C’est pour lui « un doigt d’honneur fait au théâtre » : il veut aller plus loin dans « le transgenre artistique ». La poésie de Marin ressemble à une onde chatoyante qui essaye de rentrer en confrontation avec les sculptures. Ces œuvres sont faites pour résonner ensemble : la poésie
« cherche à impacter à rentrer en adéquation avec le lieu ». La poésie de Laura connecte ce qui semble a priori n’avoir rien à voir. Elle fabrique des « chemins réflexifs de la pensée », des jeux de construction et de déconstruction. Anne-Charlotte Yver montre, elle aussi, ce que l’on ne voit pas dans les choses. Elle le met en évidence avec la plasticité de ses structures. Léon Lenclos mêle des récits imaginaires et historiques à des dessins. Il se nomme conférencier, pas poète. Jessica, elle, reprend la toiture à redent en la déconstruisant symboliquement. En s’appuyant sur l’architecture du lieu, toutes ces œuvres s’assemblent, dialoguent et rebondissent les unes sur les autres.
Résidence d’artiste : du 20 février au 19 mars
Vernissage de l’exposition SHEDS : le 3 mars prochain
A partir de 20h : mises en scènes des poèmes de Marin Fouqué, Léon Lenclos et Laura Gaulard Quérol.
Luciana Richard
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